La Secrétaire d’Etat aux droits des femmes Marlène Schiappa a mené cette nuit une opération de com’ dans le quartier Pajol. Son but ? Prouver, photo à l’appui, que « les lois de la République protègent les femmes (…), s’appliquent partout », y compris dans la zone de la Chapelle-Pajol, sous le feu des projecteurs depuis plusieurs semaines en raison du harcèlement que subissent ses habitantes. En réaction aux témoignages de centaines de femmes du quartier se plaignant d’être harcelées par des bandes d’hommes, Marlène Schiappa a fait une promenade nocturne de quelques minutes dans le quartier parisien et a posté les photos sur Twitter pour prouver qu’il ne lui était rien arrivé.
Une médaille !
A 23h52, la Secrétaire d’Etat a posté trois photos d’elle sur Twitter bravant le danger en robe d’été et petit gilet. Sur les deux premier clichés, tête haute, elle passe devant un groupe de zonards sans se faire attaquer. Sur la troisième photo, elle pose près d’un arrêt de bus pour nous montrer qu’elle se trouvait bel et bien dans le quartier devenu synonyme de harcèlement. Une médaille pour notre Lara Croft française !
Que cherche à prouver Marlène Schiappa ? Que l’on peut marcher 5 minutes dans ce quartier sans se faire agresser ? Qu’elle est prête personnellement à en en découdre avec les harceleurs ? La mise en scène ne peut que faire sourire, quand on sait que Marlène Schiappa a eu besoin d’un accompagnateur pour prendre les photos et que le quartier bénéficie de rondes de police supplémentaires depuis que le scandale de harcèlement a éclaté. Toutes les femmes ayant déjà subi le harcèlement de rue le savent : même dans les pires quartiers, on peut très bien se promener quelques minutes sans qu’il nous arrive quoi que ce soit… et cela ne prouve strictement rien.
Ce qui rend le harcèlement invivable, c’est qu’il fonctionne comme une épée de Damoclès. Prenons le cas d’une femme qui n’est insultée « que » deux fois par semaine, ne subit regards et réflexions lourdes « que » un jour sur deux et a été agressée « seulement » trois fois dans l’année. Consciemment ou non, cette femme développera un sentiment de menace permanente et adaptera son comportement au quotidien : changer de trottoir, baisser les yeux, presser le pas dès qu’elle passe près d’un groupe d’hommes, renoncer à certaines tenues, adapter ses horaires de sortie, vérifier que personne ne la colle lorsqu’elle fouille dans son sac, sort son téléphone ou tape son digicode… Marlène Schiappa a beau parader en robe courte, le quotidien de nombreuses habitantes du quartier de La Chapelle-Pajol n’en reste pas moins tel que nous venons de le dépeindre, comme en attestent la plupart des témoignages d’habitantes sur le sujet.
Une Clémentine Autain bis ?
Cette opération de com’ désastreuse n’est pas sans rappeler le fiasco de Clémentine Autain lors de l’affaire du café de Sevran interdit aux femmes. Alors qu’une caméra cachée de France 2 venait de révéler, preuves à l’appui, qu’un café de Sevran mettait à la porte les femmes seuls car « ici c’est comme au bled », la militante féministe avait pris la pose pour dire « stop stigmatisation banlieue » (sic) dans le café en question, accompagnée d’un homme, naturellement. Tout comme Clémentine Autain, Marlène Schiappa a rapidement effacé son tweet, posté à la veille de sa rencontre avec les associations Paye ta Schneck et Stop Harcèlement de rue.