Interrogée au sujet des réformes de la justice sur le plateau de la chaîne CNews, Marine Le Pen a déclaré : « Je crois qu’il faut maintenir la prescription pour le viol, l’administration de la preuve est impossible au-delà d’un certain délai ». La suppression du délai de prescription pour les viols est réclamée par de nombreuses féministes. Pour le moment, seuls les crimes contre l’humanité sont exclus de la prescription. « Pour les violences sexuelles, il me semble qu’il ne devrait pas y avoir de prescription parce que les victimes subissent un tel traumatisme que parfois elles peuvent mettre en place au niveau de leur cerveau un bouclier de défense qui va activer une amnésie traumatique (…) », estime par exemple Sandrine Bouchait, présidente de l’Union nationale de familles de victimes de féminicide.
Les Français sont de plus en plus massivement favorables à l’allongement du délai de prescription en matière de viols, voire à sa suppression. Parmi les facteurs de cette évolution des mentalités, on peut citer la libération croissante de la parole des victimes et une meilleure médiatisation du sujet de la difficulté à porter plainte pour des violences sexuelles. En 2018, un sondage Ifop indiquait que 92% des français étaient favorables à l’allongement du délai de prescription pour viols sur mineurs. De plus, l’ADN, le fichage des criminels et délinquants sexuels, la vidéosurveillance et la multiplication des traces numériques peuvent permettre d’établir les crimes de plus en plus anciens et d’étayer le témoignage des victimes.
Depuis une vingtaine d’années, la législation française allonge régulièrement les délais notamment pour les viols sur mineurs. En 2004, ils passent de 10 ans à 20 ans et ne courent désormais qu’à partir de la majorité de la victime. En 2018, le délai passe à 30 ans. Enfin, en 2021, la loi Schiappa instaure la “prescription glissante”, qui rallonge encore les délais pour les récidivistes : le délai de prescription du viol peut désormais être prolongé si la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite une autre personne jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle infraction.
Les partisans du maintien de la prescription pour les faits de viols arguent que la prescription serait « un pilier de l’Etat de droit, inscrit dans notre code pénal depuis Napoléon » (LCI). Mais il est permis de douter de la pertinence de la référence à Napoléon en matière de lutte contre les violences sexuelles et de droits des femmes. En effet, le cadre juridique fondé par Napoléon proclamait également que « les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux » (article 1124 du Code Civil de 1804).