Ils étaient plus de 400 ce dimanche, rassemblés à la Citadelle de Lille pour soutenir Lucie Lepoittevin, étudiante de 22 ans qui a échappé à une tentative de viol collectif il y a deux semaines lors de son footing dominical. Femmes et hommes ont chaussé leurs baskets pour une course de 6,5 kilomètres en tandem hommes-femmes sur les lieux de l’agression. L’objectif : faire pression sur le préfet des Hauts-de-France pour qu’il assure enfin la sécurité des joggeuses dans cette zone où les agressions se multiplient depuis des mois. Près de 6000 personnes ont rejoint le groupe de soutien à Lucie et une pétition circule pour interpeller le préfet des Hauts-de-France sur l’insécurité à Lille. Le préfet Michel Lalande refuse depuis 2015 d’évacuer le camp de Roms à l’origine de fréquentes agressions.
Agression sexuelle : ne pas se taire
Dimanche 12 février, vers 16h, alors qu’elle faisait son footing, à la Citadelle de Lille, entre les bords de la Deûle et la départementale, Lucie est piégée dans un guet-apens qui tourne à la tentative de viol. Les garçons, issus du camp de Roms tout proche, la frappent, procèdent à des attouchements et commencent à la déshabiller :
« Je ne savais pas quoi faire, nous a confié Lucie, puis j’ai repris mes esprits lorsqu’il y a eu les gestes de trop, car j’étais persuadée que ces garçons me violeraient si je ne faisais rien. La peur m’immobilise quelques secondes. Puis, je me dis que je suis forte, que mon corps l’est aussi et que je sais me battre. La rage monte en moi, j’accepte les coups, je me débats. »
En se battant, Lucie parvient à s’échapper. De retour chez elle, elle raconte brièvement son histoire sur Facebook. Quelques jours plus tard, Lucie, déterminée à ne pas subir en silence, témoigne sur Bellica et nous livre le récit détaillé de sa lutte. L’histoire de Lucie est lue par 500 000 personnes, un groupe de soutien se constitue sur Facebook et la presse locale s’intéresse enfin à l’affaire.
La prise de parole de Lucie permet de mettre sur la table un problème récurrent sur les bords de la Deûle : les agressions fréquentes de promeneurs et joggeurs par de jeunes Roms du camp voisin. Quelques jours après l’agression de Lucie, la Voix du Nord nous révèle l’agression d’une femme de 50 ans et d’une jeune fille de 17 ans par les mêmes bandes, pratiquement au même endroit.
Avec son comité de soutien, Lucie organise un footing en duos homme-femme, « pour soutenir toutes les personnes qui ont été agressées, pour que tout cela cesse et pour qu’enfin les pouvoirs publics puissent réagir ».
Malgré le succès de l’opération « Cours pour Lucie », les mesures nécessaires ne sont toujours pas prises
Plus de 400 personnes ont répondu à l’appel de Lucie dans une ambiance bon enfant et France 3 a couvert la manifestation. Sportifs et non-sportifs ont couru en tandem homme-femme pour défendre le droit de chacun à circuler en sécurité dans l’espace public.
Un rassemblement à la Citadelle de Lille après l’agression sexuelle d’une joggeuse
La veille de la course, la mairie de Lille a exprimé « tout son soutien aux victimes de ces agressions et fait tout ce qui est en son pouvoir pour que cela ne se reproduise plus », et assuré que la municipalité réclamait « l’évacuation du camp Rom de la Poterne ». Mais certains élus, présents à la course pour Lucie, déplorent la lenteur de la procédure : « C’est une mesure qui est attendue depuis des mois, pour ne pas dire des années, puisqu’il y a plusieurs campements autour de la Deûle« , a déploré Sébastien Leprêtre, le maire (LR) de la commune voisine de La Madeleine, rappelant que « des ordonnances d’expulsion ont été prononcées par la justice et elles n’attendent que d’être appliquées ».
De son côté, le collectif solidarité Roms de Lille-Métropole a condamné les agressions dans une lettre ouverte adressée, tout en mettant le préfet en garde : « les expulsions sans solution n’ont aucun effet sur les problèmes qu’elles sont censées traiter« . En 2015 déjà le maire UDI de la commune, Olivier Henno, avait déjà réclamé l’évacuation de ce camp. D’après France 3, le préfet Michel Lalande lui a répondu un an plus tard que ce n’était pas « envisagé« , faute d’une « solution de réimplantation« .
Une pétition pour que le préfet « fasse appliquer la loi »
Le bras de fer est loin d’être terminé et la sécurité des femmes et hommes n’est pas encore assurée dans le secteur. Une pétition est en ligne pour que cette fois-ci, le préfet des Hauts de France Michel Lalande prenne les mesures nécessaires pour protéger les cibles d’agression.
La pétition réclame que le préfet « fasse appliquer la loi : depuis mai 2015 une ordonnance d’expulsion des camps de Roms a été prononcée par le tribunal suite à l’action en justice de la ville de Saint-André sans avoir été suivie d’actes. »
Dans la pétition, le groupe de soutien à Lucie entend « empêcher que les droits fondamentaux de liberté de circulation, de liberté de la femme et de sécurité soient entravés par complaisance ou inaction de la part des autorités ». Il réclame « une politique ferme, qui assume pleinement ses fonctions de protection de sa population ».