Une coach suspendue et harcelée pour avoir écrit que le voile menace « les droits des femmes »

Une coach alsacienne est suspendue de la salle de sport où elle travaille pour avoir écrit sur sa page Facebook que Strasbourg « n’est pas la ville des droits des femmes » en raison du port du voile qui s’y généralise. Choqués par ses propos critiquant le voile et par les photos que la coach a publiées, des milliers d’internautes ont fait pression sur son employeur pour la faire licencier, à grands renforts d’insultes, de menaces et d’appels au boycott.

Mise à jour : en novembre 2017, la plainte contre Julia pour « Diffamation publique en raison de la race ou de la religion » a été classée sans suite par le procureur de la République.

« Plus de femmes voilées que de filles en petites robes »: Strasbourg « n’est pas la ville des droits des femmes »

Le 21 août, Julia Zborobska, employée du club de fitness l’Orange Bleue à Bischheim (67), publie sur son profil Facebook personnel des photos de femmes voilées, assorties d’un commentaire où elle s’inquiète de la progression du voile à Strasbourg. Dans ce court texte, elle constatait qu’à Strasbourg-Plage (une zone de mini-plage avec du sable aménagée à proximité de la Médiathèque Malraux), un nombre important de femmes portait le voile, à tel point qu’il y avait pratiquement plus de femmes voilées que de femmes en jupes.

 

Ce post a été repéré par des « amis » Facebook, qui l’ont fait circuler. Plusieurs pages Facebook communautaires ont partagé la publication en appelant au boycott. Des milliers d’internautes ont alors adressé de violents messages et commentaires à Julia ainsi qu’à son employeur. Pour apaiser la foule, le club de sport a annoncé sur sa page Facebook la mise à pied de Julia « dans l’attente d’une sanction disciplinaire plus lourde ».

« C’était un message féministe »

La sportive assume ses propos à visage découvert et regrette seulement de ne pas avoir flouté les visages. « Mon seul regret, nous a-t-elle confié, c’est de ne pas avoir caché les visages des femmes voilées. J’aurais dû le faire. » Profondément attachée à son club, Julia s’entend bien avec sa direction. Elle est très peinée et « extrêmement embêtée » que sa patronne, « une très bonne personne », doive affronter une telle crise. « Mais pour le reste : zéro regret ». 

« Mon post visait plus à défendre ces femmes que les humilier ou les blesser. C’était un message féministe et non raciste », précise Julia, qui s’inquiète des pressions religieuse croissantes sur les femmes.

« Dans le club où je travaille, je n’ai jamais fait de différence entre les adhérents, peu importe leur origine ou religion. Mais une à deux fois par mois, je rencontre des femmes maghrébines qui viennent à la salle et qui me disent qu’elles souhaitent faire du sport, mais que leurs maris ne sont pas d’accord. D’autres demandent à pratiquer dans une tenue inappropriée sans mettre les vêtements de sport, car elles n’osent pas se montrer. D’autres encore me demandent de mettre en place des jours uniquement pour les femmes. En voyant tout ça, je vois qu’elles ne sont pas tout-à-fait libres ! Et j’ai de la peine. C’est pour cela que j’ai réagi ainsi en voyant autant de femmes voilés à Strasbourg-Plage ».

 

« J’ai une fille de 19 ans et je n’ai pas envie que dans 10 ou 15 ans elle soit forcée de porter le voile »

Julia est d’origine ukrainienne. Née à Kiev, elle est arrivée en France en 1996 et cela fait 18 ans qu’elle est française.
La généralisation du voile dans son pays d’adoption la préoccupe : « Je constate que chaque année il y a de plus en plus ! J’ai une fille de 19 ans et je n’ai pas envie que dans 10 ou 15 ans elle soit forcée de porter le voile ».

Bien que le voile soit parfois un choix personnel, le développement de ce vêtement religieux a des conséquences sur l’ensemble des femmes, musulmanes ou non : « Je pense que c’est le début de la fin. D’abord on demande aux jeunes filles de juste couvrir la tête. Après, de ne pas mettre la jupe. Après, de ne pas aller à la piscine car on se met en maillot de bain. La liberté des femmes est de plus en plus limitée, et à la fin, les femmes en décolleté sont traités des putes. »

« Chienne », « consanguine », « fasciste », « pute » : un cyberharcèlement intensif

Depuis le début de la polémique, la coach sportive a reçu plus de 300 messages de haine et une dizaine d’appels menaçants. Des messages qui ont presque toujours une coloration raciste et misogynes.« Une chose qui revient souvent dans les messages d’insulte, note Julia, c’est qu’ils s’imaginent que nous les femmes ukrainiennes sommes spécialistes des fellations. Ils sont bizarres ». Elle nous a fourni quelques exemples.

 

Face à la vague de haine, la salle de sport a été contrainte de supprimer plusieurs posts Facebook et des centaines de commentaires. Sous les partages de l’article de l’Alsace-Actu relatant l’affaire, on peut encore lire d’innombrables insultes : « kelba » (« chienne » en arabe), « pute », « raciste consanguine ».

Ce cyber-lynchage menace la réputation du club et a des répercussions sur l’ensemble de la petite équipe de coachs. Julia joue un rôle moteur dans le club : la suspension de ses cours affectera l’ensemble du planning.