Etudiante en ostéopathie à Paris, Inès, 24 ans, est la première de nos lectrice à faire appel à la Brigade des Cœurs. Elle nous a écrit hier, 14 juillet, en réaction à notre post Facebook à propos du bal des pompiers.
Bon, je me lance. Je ne vous écris pas pour un truc hyper grave, mais quand même, ça me turlupine et je me suis dit que le sujet pourrait vous intéresser. J’ai 24 ans, un physique pas dégueu, une conversation plutôt agréable, je suis plutôt douée en massage, bref, je n’ai pas vraiment de problèmes pour séduire les gars, ni même pour les garder. Mais je ressens de plus en plus fort une espèce de frustration. Je ne vais pas tourner autour du pot 200 ans : je suis hyper excitée par les types plutôt bourrins, genre pompiers et militaires, mais je n’assume pas du tout. Votre vidéo sur le bal des pompier m’a fait rire et en même temps j’ai été mal à l’aise. Je me suis un peu reconnue, mais ces images de pompiers qui jouent les chippendales, ça me hérisse.
J’ai horreur des mecs bas du front, je suis dégoûtée par le violence, les types qui me parlent mal dans la rue me font gerber. Mais quand j’aperçois le profil d’un pompier dans son camion ou quand je les vois faire leur footing, ça me fait un truc. Idem quand je croise des mecs de Vigipirate. Je presse le pas, je baisse les yeux, mais pas comme avec les autres mecs. Je ne fais pas ça pour éviter les emmerdes. Je sais que les mecs de Vigipirate ne vont rien me faire, rien me dire. Je fais ça parce que je suis intimidée, parce que ça me met dans un état bizarre et je ne sais pas comment réagir. Donc je fuis. Les treillis, l’uniforme, les grosses godasses, les armes, leur attitude soucieuse et protectrice quand ils patrouillent… je ne sais pas, c’est un tout, j’ai beau savoir que parmi eux il y a un bon paquet de beaufs, ça me retourne.
Ça fait déjà pas mal d’années que j’ai ce fantasme, surtout avec les pompiers et les militaires. Ça me le fait parfois avec les flics et les CRS mais ça dépend, c’est plus variable avec eux. Je ne sais pas quoi faire de ça.
Je suis féministe comme presque toutes les filles de ma génération, dans le sens où je suis pour l’égalité hommes-femmes et contre les violences faites aux femmes. Pas du genre Femen à moustache, mais vraiment convaincue que j’ai toute ma place dans ce pays et que je n’ai pas à me laisser faire au prétexte que je suis « juste une femme ». Mais j’avoue que je m’ennuie vite avec les mecs avec qui je sors en général, j’ai l’impression qu’on est des potes qui baisent ensemble. Des mecs de la fac ou des mecs de soirée, très chouettes, avec qui je m’entends bien.
C’est sympa, mais j’ai envie de plus. Mon fantasme des mecs « couillus » prend de plus en plus de place et ça me gêne. Je me dis : tout ça pour ça ? Je galère pour obtenir le respect des mecs, tout ça pour rêver d’une baise sauvage avec un pompier ? Et puis j’ai peur de passer à l’acte avec un gars de ce genre. J’ai peur d’être déçue ou de me sentir salie. Je ne vais quand même pas m’inscrire sur AdopteUnMec et marquer en gros que je veux me prendre une grosse secousse de pompier. Sérieux. Bref j’ai besoin de conseils et j’espère que vous saurez m’aider. »
La réponse de la Brigade des Cœurs :
Chère Inès,
Avant toute chose, merci à toi pour ta franchise et merci d’avoir accepté d’inaugurer cette nouvelle rubrique.
Pardon d’être abrupte, mais il me semble que tu te noies dans un verre d’eau. Tu me parles comme si tu cachais un terrible secret, alors que ton fantasme est une des choses les plus banales qui soient. Attention, « banal » ne signifie pas « médiocre ». On n’est pas une personne plus intéressante parce qu’on fantasme sur des partouzes genderfluid inter-espèce à base de poulpes, plutôt que sur une bonne saillie hétérosexuelle bien cliché. Tout ce qui est rare n’est pas précieux.
Ton témoignage me fait sourire parce que les choses que tu dis, je les entends très souvent dans la bouche de copines. Il suffit de tendre une oreille bienveillante et attentive, et on en entend de belles. Comme toi, des millions de femmes fantasment sur les pompiers, militaires et policiers, et comme toi, elles sont toutes plus ou moins imprégnées de féminisme. Bien sûr, un fantasme n’a pas nécessairement vocation à être réalisé, mais tout de même, lorsqu’il est si répandu, cela nous donne forcément des informations sur les aspirations, sur l’imaginaire de millions de personnes.
Tu as l’air de ressentir une espèce de honte. Forcément, vouloir un mâle costaud quand on milite plus ou moins pour l’égalité des sexes, ça sonne un peu comme une revanche facétieuse de la biologie, et ça prête à sourire. Mais à y regarder de plus près, il y a au fond quelque chose de sain dans ce fantasme. Le pompier fait rêver parce qu’il incarne la brute domestiquée. Dit comme ça, ça n’est pas très glamour, mais en d’autres termes, de nombreuses femmes sont excitées par les hommes très testostéronés, mais se méfient du mâle hypertestostéroné sans garde-fou.
Un pompier, un soldat ou un policier nous renvoient à l’imagerie du mâle protecteur, assez fort pour tataner les méchants, assez civilisé pour ne pas nous briser les côtes à la moindre saute d’humeur. Le pompier style chippendale te met mal à l’aise sans doute parce qu’en se pliant outrancièrement au désir féminin, il devient une caricature de mâle domestiqué. Mais en soi, le fantasme du mâle domestiqué est plutôt rationnel du point de vue de la biologie évolutive : il y a fort à parier qu’au fil des millénaires, les femmes aient eu intérêt à sélectionner les partenaires sexuels vigoureux physiquement mais respectueux de l’ordre social… et que les mâles trop agressifs aient eu tendance à mourir avant d’avoir eu le temps de se reproduire en nombre. (Oui, je schématise. Na). Valoriser les hommes qui renoncent à une partie de leurs pulsions de puissance pour mettre leur force au service d’une communauté, c’est assez sain, quand on y réfléchit deux minutes.
Voilà pour la théorie. Quant à la pratique, tu es une grande fille. Tes craintes quant à une éventuelle déception ne sont pas infondées (toute rencontre est un risque). Elles sont probablement liées à une forme plus ou moins consciente de mépris social envers les hommes peu diplômés. Mais honnêtement, vus les retours d’expérience que j’ai entendus, tu ne prends pas de risques plus élevés avec un pompier/militaire/policier qu’avec tes rencards étudiants. En tant que féministe, il peut même y avoir quelque chose de reposant mentalement à sortir avec un homme qui assume une part de machisme. Une remarque beauf ou une blague sexiste, c’est plus simple à gérer qu’un pseudo-féministe qui distille sournoisement des réflexions stérilisantes, démotivantes. Il n’y a pas vraiment d’incohérence à souhaiter l’égalité des droits entre hommes et femmes et à être attachée aux différences sexuelles. Surtout au lit.
Bon courage !
Vous souhaitez écrire à la Brigade des Cœurs ? Contactez-nous via la messagerie de notre page Facebook !