De la drague par SMS au #harcelementdomicile : où sont les limites ?

On connaissait le harcèlement de rue, le harcèlement dans les transports et le harcèlement au travail : voici venir le harcèlement au domicile, qui enflamme la twittosphère française depuis hier. Avec le développement croissant de nouveaux services, de plus en plus de techniciens, livreurs ou chauffeurs utilisent l’adresse et le numéro de leurs clientes. Depuis la publication sur Twitter par une jeune femme d’un SMS dragueur d’un technicien d’Orange, de nombreuses féministes témoignent sous le hashtag #harcelementdomicile.

Drague lourdingue d’un technicien, flot de SMS envoyés à une cliente… ces comportement peu professionnels peuvent être vécus comme du harcèlement, par crainte d’être agressée chez soi par un homme qui connaît votre identité, votre adresse, votre digicode, votre étage. D’un autre côté, de nombreux internautes s’émeuvent qu’un seul SMS ou qu’un compliment soient assimilés à un délit. Retour sur la polémique.

Le tweet de Pandore

Tout part de deux tweets postés le 16 janvier par une jeune femme. On y voit la capture d’écran d’un SMS dragueur que lui a envoyé un technicien d’Orange, puis la réponse sèche de la jeune femme, choquée par cette utilisation d’une donnée privée (son numéro de téléphone) à des fins personnelles. S’ensuit une salve de tweets assimilant le SMS du technicien à du harcèlement.

Un timide compliment envoyé par SMS avec des excuses… assimilé à du harcèlement. Des centaines de tweets hilares se moquent de cet écart entre les faits et leur qualification.

 


De leur côté, face à ces moqueries et aux insultes en masse, les féministes manifestent leur soutien à la jeune femme. La blogueuse influente ValérieCG (Crêpe Georgette) appelle a utiliser le hashtag #harcelementdomicile pour témoigner de situations de harcèlement au domicile.

 

Vers la mort de la séduction ?

Ce qui peut choquer, dans cette affaire, c’est qu’un simple SMS poli soit considéré comme un délit passible de deux ans de prison, défini légalement comme « toute forme de pression grave (même non répétée) dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte sexuel, au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers ». Faudra-t-il à l’avenir recueillir le consentement de la femme avant de prononcer ou d’écrire le moindre compliment ? La multiplication de ce genre d’affaires pourrait bien porter un coup à la spontanéité de la séduction. Finis, les regards éloquents et l’attirance tacite … place à la relation contractuelle explicitement formulée ?

Le harcèlement n’est pas un mythe féministe

Si l’extension illimitée de la notion de harcèlement risque d’assécher et de tendre les relations hommes-femmes, force est d’admettre que le harcèlement fait objectivement partie du quotidien de nombreuses Françaises. Dans les grandes métropoles françaises, le harcèlement de rue est une source permanente de stress pour les femmes, contraintes de rallonger leurs jupes, de baisser les yeux et de modifier leur organisation.

Avec le développement de services comme Uber et de la livraison à domicile, nos données personnelles (nom, adresse précise, numéro de téléphone) se retrouvent entre les mains d’innombrables inconnus. Les chauffeurs Uber sont régulièrement pointés du doigt pour leur manque de professionnalisme avec les femmes. Est-ce trop demander que de faire un trajet de dix minutes sans avoir à craindre des messages importuns par la suite ?


Quant au harcèlement à domicile, on peut comprendre que le fait d’être seule chez soi avec un inconnu soit parfois une source d’angoisse. Angélique, une de nos lectrices âgée de 28 ans, nous a fait part d’une expérience particulièrement pénible. Il y a trois ans, fraîchement arrivée de sa province natale, elle s’installe dans le XXe arrondissement de Paris. Un soir d’hiver, en fermant une vieille fenêtre, la vitre se brise.

« J’étais très embêtée, et, trop naïve à l’époque, j’ai appelé un des numéros que l’on trouve sur les petits flyers dans les boîtes aux lettres. Vers 22h, deux types pas rassurants du tout débarquent chez moi, se comportent comme des sans-gêne. Ils m’intimidaient, mon copain était en déplacement. Tout ce que je voulais, c’était qu’ils partent. Alors quand ils m’ont demandé une somme énorme pour la réparation, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’ai tout payé en cash. J’avais tellement peur que je n’ai même pas pensé à réclamer le reçu. » Une grosse frayeur et une belle arnaque pour cette jeune provinciale, qui pourtant, n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. « Quand tu es toute seule chez toi, tu fais moins la maline. Tu ne sais pas ce qu’ils peuvent te faire », explique-t-elle.

Que faire, donc ?

Comment tisser des relations agréables et spontanées malgré un contexte d’angoisse croissante ? Doit-on inhiber tout désir de séduction chez les hommes pour éteindre toute source de stress ? Sans tomber dans une pulsion castratrice, sans hurler au loup au moindre compliment, on ne peut que trop recommander aux hommes de 2017 de se mettre parfois dans la tête des femmes. Dans la jungle parisienne, une femme, même bienveillante, ne peut pas se permettre de consacrer de l’énergie à décrypter les intention de chaque homme qui la sollicite. N’en rajoutez pas une couche, ne soyez pas malgré vous un harceleur, et changez de plan. Sauf talent rare ou cas exceptionnel d’instant magique réciproque. Idem pour la séduction dans un cadre professionnel, qui peut souvent être vécue comme importune.

Puisse une mutuelle compréhension nous préserver d’un futur où chaque baiser ferait l’objet d’un acte notarié.

 

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